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SON:S lauréat de l’appel «Recherche en théâtre et arts associés» du ministère de la Culture

By 1 juillet 2020 juillet 2nd, 2020 One Comment
Laurent Poitrenaux. Photo : © Jean-Louis Fernandez

Le réseau SON:S du CNRS est lauréat de l’appel « Recherche en théâtre et arts associés » du ministère de la Culture pour le projet  Le théâtre comme scène pour l’oreille, en partenariat avec le Théâtre National de Bretagne (TNB).

 

Equipe de coordination

Laurent Poitrenaux, Olivier Cadiot, Karine Le Bail, Thomas Baumgartner, Daniel Deshays , Nicolas Becker

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Présentation du projet

L’attention nouvelle portée au son est l’un des phénomènes les plus intéressants à observer actuellement dans les arts du spectacle, où nombre de créateurs multiplient les expérimentations sonores (spatialisation, amplification douce, écoute immersive) en faisant appel à des artistes sonores, des sound designers ou encore des réalisateurs en informatique musicale (RIM). C’est évidemment très frappant au théâtre mais tout autant sur la scène chorégraphique et dans les arts du cirque, où des interfaces numériques son/gestes permettent aux artistes de générer en temps réel des matières sonores, voire des musiques. On pense à la conceptrice sonore Fanny Thollot qui réalise des effets sonores pour la compagnie Baro d’Evel ou encore au travail de la chorégraphe Kitsou Dubois, dont l’utilisation de capteurs de flexion, de pression, de champs magnétiques, de ceintures de respiration, permet de relier les danseu·r·se·s ou les acrobates à des matières sonores. Dans un même mouvement, l’entrée par le son et l’écoute comme catégories d’analyses amènent un grand nombre de disciplines à renouveler leurs questionnaires, qu’il s’agisse des sciences humaines et sociales mais aussi des sciences du vivant, qui s’extraient toujours davantage du seul paradigme visuel pour explorer les pouvoirs de remédiation cognitive de la musique dans les maladies neurodégénératives ou en psychiatrie, ou encore les effets néfastes de la pollution sonore sur le comportement animal, avec l’émergence de nouvelles disciplines, comme la bioacoustique.

Le présent projet répond dès lors à une double demande. D’une part, du besoin ressenti par l’Ecole du Théâtre national de Bretagne d’une réflexion à la fois critique et programmatique sur les conditions concrètes du travail de l’acteur sur un plateau toujours plus investi par des dispositifs sonores, et de l’autre, du souci chez des chercheu·r·se·s travaillant sur ce que l’on nomme communément  le « tournant acoustique » [acoustic turn], non seulement de ne pas se couper de la création sonore en train de se faire et éventuellement d’y participer, mais aussi d’interroger la frontière entre production scientifique et production artistique. 

L’idée d’observer le processus de création d’une fiction radiophonique s’est rapidement imposée. Pour paraphraser Pierre Schaeffer, fondateur du Studio d’essai de la radio et inventeur de la « musique concrète », l’effet du microphone consiste à transformer l’écoute sans transformer les sons, si bien que la radio permet d’interroger la dramaturgie propre d’un théâtre « pour l’oreille », dont les qualités d’expression reposent sur les voix, les dispositifs sonores et enfin, une écriture. En pleine Occupation, Schaeffer eut ainsi l’idée de fonder avec le grand rénovateur du théâtre Jacques Copeau un « Conservatoire de la radio » en faisant appel à des étudiant·e·s du Conservatoire national de musique et d’art dramatique de Paris et à de jeunes ingénieur·e·s du son. Leur ambition ? Former des voix pour le micro et questionner la remise en jeu et en action d’un texte par la dramaturgie propre de l’espace radiophonique. 

Dans les pas de Schaeffer et de Copeau, l’Ecole du TNB va donc passer commande d’un texte à Olivier Cadiot. Ce romancier, poète et dramaturge nourrit depuis longtemps une fascination pour le « sonore » qui l’a souvent rapproché des expérimentateurs les plus audacieux en la matière. Ce texte original sera ensuite confié aux vingt élèves de troisième année de l’Ecole du TNB. Sous la conduite de l’auteur, et du comédien Laurent Poitrenaux, responsable pédagogique de l’Ecole, les jeunes comédien·ne·s imagineront quatre adaptations possibles du texte selon quatre dispositifs sonores différents. D’un même texte, il y a donc ici projet de transformer la matière littéraire en vue d’écritures radiophoniques plurielles. 

La dimension pédagogique du projet s’articule ici à trois mondes en formation : les élèves-comédien·ne·s du TNB, d’une part, mais aussi les étudiant·e·s de l’Institut Supérieur des Techniques du Son (ISTS), implanté à l’ESRA de Rennes, dont le projet de troisième année consiste à réaliser une fiction radiophonique. Enfin, six étudiant·e·s du Master “Arts, littératures, langages” de l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS, Paris), encadrés par Karine Le Bail, seront placés dans une position scientifique d’observation participante et apporteront un complément direct à la création –  non pas un discours a posteriori, comme le veut la tradition universitaire, mais un discours in medias res, qui vise à trouver sa place au cœur même de la pratique artistique. 

Quatre groupes seront donc constitués réunissant étudiants-comédiens et étudiants “son” avec pour objectif de réaliser, à partir d’un même texte, quatre fictions radiophoniques originales. Réactualisant l’atelier de Schaeffer et Copeau, Thomas Baumgartner et Karine Le Bail encadreront ces ateliers de création sonore, organisant la transmission des savoirs-faire avec deux spécialistes du son de grande renommée, le bruiteur et designer sonore Nicolas Becker et l’ingénieur du son Daniel Deshays. 

En plaçant ainsi les étudiant·e·s au centre d’un dispositif expérimental de création à partir d’un même matériau de départ, en associant les problématiques d’interprétation pour la voix enregistrée, la recherche sonore, les dispositifs de captation et de restitution, l’ambition est bien de les familiariser avec le micro et la scénographie sonore comme il s’agira aussi de leur apprendre à mettre en cohérence tout un ensemble de paramètres artistiques, techniques, scientifiques. Ici, c’est bien un dialogue essentiel qui est appelé à naître et à servir tout au long de leur trajectoire future dans le monde de la fiction sonore. 

A terme, le projet vise à réfléchir à de nouveaux dispositifs sonores visant à renouveler l’approche du son sur le plateau de théâtre.

 

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